En mai 2010, j’avais entrepris l’analyse d’un aspect de la stratégie de communication de la firme à la pomme (Apple ou le marketing de la rumeur), les semaines précédent la sortie de l’iPhone 4. Aujourd’hui, observons quelle est la stratégie marketing d’Apple dans le cadre de la distribution de ses produits et notamment celle de l’iPad 2.
Quel est l’intérêt pour Apple de faire patienter ses futurs acheteurs ? Pourquoi la rareté est-elle potentiellement un gage de réussite ?
Apple tente-t-il de rendre ses produits plus luxueux qu’ils ne le sont ?
Sur Twitter, nombreux sont les mécontentements qui témoignent de l’efficacité avec laquelle Apple frustre certain de ses clients. @Darkplanneur en est un exemple probant : « Le Marketing de la rareté d’Apple commence sérieusement à me gonfler« , ou bien encore, « Plus un iPad 2 en stock magasin, il y a aura aucune info sur le site Apple, la désirabilité par la frustration…bof bof »
Ces messages négatifs, publiés sur le service de micro-blogging Twitter, sont la démonstration même que créer la frustration chez les consommateurs et adeptes de la marque n’est pas une bonne technique pour Apple — au premier abord en tout cas. En effet, en ne répondant pas à une demande suffisante voire satisfaisante, Apple montre quelques signes de faiblesses qui ne sont pas sans impact pour son image.
Mais à quoi correspond réellement le marketing de la rareté ?
Avant d’évoquer le cas Apple, il convient d’expliciter et de définir ce dont il s’agit. Le marketing de la rareté correspond à une stratégie visant à suggérer artificiellement une rareté relative issue du processus industriel : soit au niveau de la distribution ou dès la production. Dans la pratique, les utilisations les plus connues autour du marketing de la rareté sont de réduire drastiquement les quantités distribuées ou de sortir des séries limitées (avec un nombre de stocks défini). En clair, la raréfaction de l’offre de produits à très forte valeur ajoutée se justifie dans le but de favoriser la création d’une forte demande.
Cette stratégie marketing peut s’avérer être positive en permettant à une entreprise comme Apple :
– de promouvoir une image de marque et l’aspect sélectif de la marque (tout le monde ne peut pas acheter les produits Apple) : concept très proche du marketing du luxe finalement.
– de générer un ramdam autour de produits à disponibilités limitées.
– d’instaurer des prix de ventes et donc des marges plus élevées, compte tenu de l’effet rareté.
– de favoriser l’achat d’impulsion (dans l’excitation) ou la pré-commande (du fait d’une limitation des stocks prévisibles).
À l’inverse, les risques liés au marketing de la rareté sont multiples :
– décevoir vos consommateurs finaux, ils seront alors frustrés voire désespérés dans certains cas.
– perte du chiffres d’affaire compte tenu de la non-capacité à répondre à la demande
– rendre vos revendeurs tout autant frustrés que leurs clients.
– risque de contrefaçon (c’est moins vrai dans l’Union Européenne pour les produits technologiques du fait de la législation en vigueur et de l’instruction des consommateurs)
Pour les utilisateurs, ce qui est rare est foncièrement désirable. Mais ce qui était abondant et qui devient rare l’est encore plus. Enfin, ce qui devient rare à cause de l’autre l’est encore davantage. (idée tirée de cet article)
Le cas Apple
La question qui reste en suspend concerne la volonté — délibérée et — déclarée ou non d’Apple de réellement participer à la pénurie de ses propres produits y compris au sein même de son propre réseau de distribution, à savoir les Apple Store. La question s’était déjà posée lors de la sortie française de l’iPhone 3GS (ndlr. en 2009, date à laquelle Apple ne possédait pas encore ses propres boutiques en France). Mais il est certain qu’Apple tente de donner l’impression à ses fans qu’ils sont privilégiés et créé ainsi une sorte de peur du manque dans l’inconscient des consommateurs.
Bien au contraire et loin de dégrader son image, une récente étude mettait en avant le fait que la firme de Cupertino soit une marque rayonnante et appréciée (voir l’article, Apple, marque la plus désirée au monde). Apple a donc compris que dans l’élaboration de sa stratégie marketing, il est intéressant de favoriser l’effet de rareté pour inciter à l’achat. Pour chaque nouveauté, la marque joue sur cette variable du mix, une distribution maitrisée, au détriment de ses revendeurs.
Pour aller plus loin
J’ai beau être séduit par Apple, je n’en peux plus de cette politique de la rareté. Celle ci confine à l’arrogance, et je me refuse à y voir un hasard. A moyen terme je m’en souviendrais car je n’y vois non plus du marketing, mais de la manipulation de masse.
J’ai un Iphone dans ma poche… alors que je n’en voulais pas.. C’est grave